Dans le cadre de ses missions d’enseignement, le ministère de l’Éducation nationale aide à réduire et à prévenir le sectarisme en dispensant une éducation dans les écoles, en participant à la prévention et à la lutte contre le phénomène préoccupant des dérives sectaires, en exerçant une vigilance accrue en milieu scolaire et en accompagnant les personnels, les enseignants et les responsables légaux des élèves.
En France, le phénomène grandissant des pratiques à risque de dérives sectaires est préoccupant par le nombre de victimes, le plus souvent en situation de grande vulnérabilité. De façon périodique, les tribunaux condamnent des gourous de la santé et charlatans du développement personnel pour homicide involontaire, non-assistance à personne en danger, escroquerie, exercice illégal de la médecine, abus de faiblesse, etc. Ce phénomène est préoccupant car il évolue de manière exponentielle, avec un accroissement alarmant de nouveaux « praticiens » et de techniques de soins non-conventionnelles à visée thérapeutiques, et par l’invention de qualifications et de pseudo-professions non validées, inefficaces voire extrêmement dangereuses pour la santé physique et émotionnelle de celles et ceux qui y adhèrent.
2021 : une explosion des dérives sectaires selon la Miviludes
En 2018, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) estimait que 4 français sur 10 avaient recours aux médecines dites alternatives, dont 60% parmi les malades de cancers. Selon ses études, elle identifiait déjà 1 800 structures d’enseignement « à risques » et plus de 7 000 pseudo-médecins et « psychothérapeutes » exerçant illégalement la médecine, sans aucune qualification ni formation et sans être inscrits sur aucun registre. Depuis la crise sanitaire, ces chiffres sont en très nette augmentation. En effet, la Miviludes a reçu 4 020 saisines en 2021, soit une hausse de 33,6 % par rapport à l’année précédente et de près de 50 % par rapport à 2015.
Outre les « multinationales de la spiritualité », comme l’Église de scientologie, les écoles hors-contrat Steiner-Waldorf (Anthroposophie) ou les Témoins de Jéhovah, prospèrent également des groupuscules « mobiles, changeants et impalpables », caractéristiques d’un phénomène sectaire « à l’état gazeux », selon le dernier rapport de cet organisme publié le 3 novembre dernier.
Le rapport 2021 de la Miviludes cite en exemple le cas de deux personnes atteintes d’un cancer, décédées après avoir suivi les préceptes d’un « naturopathe », lequel affirmait les aider à guérir « grâce à des remèdes naturels tels que des cocktails d’huiles essentielles, une alimentation centrée sur des jus de fruits et de légumes, des jeûnes sévères et prolongés ». Les lecteurs de la Bibliothèque Vigilante observeront comme cette médication farfelue s’apparente très nettement à celle proposée par les adeptes du Perpignanais Thierry Casasnovas, chantre du jeûne et du « crudivorisme », une pseudomédecine qui peut s’avérer dans certains cas particulièrement toxique. Ce denier à d’ailleurs fait l’objet de 54 saisines depuis 2020.
Les mineurs constituent une cible privilégiée
Si près de 70 % des saisines concernent la santé ou se rapportent à des « pratiques de soins non conventionnelles telles que la naturopathie, le reiki, la nouvelle médecine germanique, etc. », une part importante de ces « sujets d’inquiétude » concerne « la mouvance chrétienne au sens large » (293 saisines dont 106 sur le catholicisme et 168 sur le protestantisme), les dérives sectaires dans le secteur du développement personnel (coaching : 173 saisines en 2021), ainsi que dans certains éco-villages où des « violences psychologiques voire physiques ou sexuelles » ont pu être observées sur des personnes s’étant regroupées dans ces lieux de vie communautaires.
Une autre cible de choix pour les sectes concernent les enfant dont les parents appartiennent à des mouvances sectaires et qui souffrent d’une immersion précoce dans un bain de pratiques et de croyances susceptibles d’empêcher le développement de leur esprit critique. De fait, cette situation peut conduire à leur enfermement.
Ces mécanismes d’engagement idéologiques ciblent aussi souvent les jeunes en difficulté, malades ou en situation de handicap et dont les parents, inquiets, se tournent vers des « thérapeutes » ou des paramédecines qui promettent guérison et développement de leurs capacités.
Enfin, avec le développement des réseaux sociaux, leur facilité d’accès et la difficulté accrue par les pouvoirs publics d’en réguler les contenus fallacieux, les adolescents peuvent être séduits par des discours alternatifs. Nul ne peut nier que la période de l’adolescence est celle de la conquête de l’autonomie, mais c’est aussi parfois celle des prises de risque. De plus, le désir d’appartenance à un groupe peut entraîner les enfants à une totale soumission, sans discernement des potentiels risques encourus.
Sur TikTok particulièrement, où de nombreuses sectes et des figures de la complosphère porteuses de croyances radicales voire extrémistes officient en toute impunité. Notons à ce propos que l’association internationale Mankind Project est aussi dans l’œil du cyclone des autorités en charge de la lutte contre les dérives sectaires, notamment pour les « changements de comportements radicaux » observés suite à des « stages d’initiation à la masculinité ». Ces « gourous 2.0 » diffusent des messages fallacieux à destination des enfants et des adolescents, les incitant à quitter le système scolaire, voire à rejoindre des mouvances extrémistes du type Antivax, Qanon et d’extrême droite. Instagram n’échappe pas à la règle, le réseau social y est saturé de comptes « bien-être » qui mélangent complotisme, ésotérisme, santé et finance, et qui cachent en réalité des dérives sectaires.
Plusieurs contextes d’une situation de dérives sectaires
Dans le cadre de la prévention des risques de dérives sectaires en milieu scolaire, l’expertise de la Miviludes a permit d’identifier plusieurs contextes d’une situation de risque sectaire :
- Le contexte familial, voire communautaire : l’enfant peut être sous l’emprise d’une idéologie menaçant son éducation, son épanouissement social et intellectuel.
- Le contexte extra-familial : dans un cadre scolaire par le biais d’un éducateur, d’un camarade de classe, d’une association intervenant dans ou en dehors de l’établissement où il est scolarisé, au sein d’une famille d’accueil ou pendant un séjour à l’étranger.
Dix conseils pour se protéger des dérives sectaires
Face au fléau des dérives sectaires et des dangers du marché alternatif de la guérison et du bien-être, la Miviludes a publié un guide intitulé « Santé et dérives sectaires », destiné à aider à repérer les situations de danger et à proposer des outils pratiques pour pouvoir réagir en conséquence. Les dix conseils qui suivent sont issus de ce guide (édité en mars 2018).
5 questions pour renforcer votre vigilance
- Le praticien promet-il la résolution de tous les problèmes rencontrés grâce à une méthode « novatrice et révolutionnaire » ?
- Le praticien qualifie-t-il mon enfant de « spécial » ou d’« exceptionnel » ?
- Le praticien critique-t-il ce qu’il nomme la « médecine conventionnelle » et le recours aux médicaments ou aux vaccins ?
- Le praticien critique-t-il ma famille, mes amis ou encore les services de l’État en charge de la santé ?
- Le praticien me propose-t-il à moi, ou à d’autres membres de la famille, de suivre également une thérapie avec lui ?
5 réactions à adopter face à un risque de dérives sectaires
- Se méfier des solutions « miracle », souvent coûteuses, et/ou impliquant des séances nombreuses et rapprochées.
- Être attentif à tout changement important de comportement de l’enfant ou d’un proche.
- Ne pas s’isoler, ni isoler l’enfant dans une relation exclusive avec le « praticien ».
- En parler autour de soi et auprès des pédiatres, médecins, et autres professionnels de la santé.
- En cas de doute, n’attendez pas qu’il soit trop tard pour interroger la Miviludes : www.derives-sectes.gouv.fr.
La protection des libertés fondamentales
La politique publique de lutte contre les dérives sectaires s’inscrit dans la protection de la liberté de conscience, notamment religieuse, de la liberté d’association, de la liberté d’expression et du respect de la laïcité. Pour approfondir, nous vous recommandons la lecture de cet article sur la prévention et lutte contre les risques de dérives sectaires en milieu scolaire, publié par le Ministère de l’Éducation nationale et qui propose des outils et faisceaux d’indices afin d’alerter les équipes pédagogiques des risques de dérives ou de phénomène sectaire pour leurs élèves.
Dans ce contexte inquiétant, des « Assises des dérives sectaires et du complotisme » seront organisées « début 2023 » pour réunir les acteurs de la lutte contre ces phénomènes et aboutir à une feuille de route pour les années à venir, affirmait récemment la secrétaire d’État à la Citoyenneté Sonia Backès.
C’est une excellente chose, car le sectarisme doit être combattu avec la même conviction que tous les autres crimes haineux. Le soutien continu du gouvernement, des ministères — et particulièrement de celui de l’Éducation nationale — aux projets œuvrant à la lutte contre les dérives sectaires est la preuve d’un véritable engagement à s’attaquer à ces problèmes, là où ils prennent leurs sources, c’est-à-dire dans la vie réelle et auprès des jeunes générations.
Ressources
Le Guide Santé et Dérives Sectaires de la Miviludes
Après « L’agent public face aux dérives sectaires » (2005), « Le satanisme, un risque de dérive sectaire » (2006), « L’entreprise face au risque sectaire » (2007), « Les collectivités territoriales face aux dérives sectaires » (2008), « La protection des mineurs contre les dérives sectaires » (2010), « Savoir déceler les dérives sectaires dans la formation professionnelle » (février 2012), ce guide est le septième publié par la Miviludes :
En illustration : The Stoning of Stephen, infographie de Don & Ryan Clark.