Ils se font appeler « magnétiseurs », « guérisseurs », « énergéticiens », prétendent soigner par l’imposition des mains ou à distance grâce à des « énergies » ou par le « magnétisme animal ». Comment expliquer les ressorts de ces pratiques étranges ? D’où viennent-elles ? Existe-t-il réellement un phénomène de guérison par les énergies ou s’agit-il d’un simple effet placebo ? Enfin, quelles peuvent être les conséquences de ces croyances irrationnelles ?
Contrairement aux hypothèses dites « matérielles », qui invoquent des éléments dont l’existence peut être testée, donc potentiellement réfutée, le magnétisme demeure une hypothèse non expérimentable, au même titre que l’âme, les démons, la sorcellerie, les esprits des défunts, la vie après la mort, le voyage astral, ou le fait de croire que nous n’utilisons que 10% de notre cerveau. Ces conceptions ne relèvent que de l’acte de foi. Nous sortons du cadre matérialiste pour entrer dans la croyance, où toute objectivité laisse sa place au ressenti, à l’imaginaire, au merveilleux, comme dans la poésie ou la littérature fantastique, et où la science ne peut donc pas se saisir d’une hypothèse pour les tester.
Une force produite par le corps humain et capable de soigner tous les maux serait un véritable bouleversement scientifique. Mais avant de remettre en cause nos théories physiques actuelles, il importe de présenter de solides preuves tangibles. Néanmoins, face à l’absence de telles preuves, il n’y a réellement aucune raison de croire en l’existence du « magnétisme ». Effectivement, ce principe est radicalement absent de la physique, la biologie et la médecine contemporaines, à l’exemple des concepts de « fluide vital » ou d’ « énergie universelle ».
1re hypothèse : l’effet placebo
Ainsi, toutes ces disciplines ésotériques reposent sur la croyance en l’existence — non prouvée scientifiquement — de fluides, une « force magique » prétendue circuler entre les êtres vivants. Une vision qui rejoint fortement les religions panthéistes et les croyances dans les énergies des cultures anciennes de l’Extrême-Orient, comme le qi (ou chi) chinois. Qu’en est-il réellement ? Dans les faits, point de magie derrière ces supposés « dons » de « magnétisme », certains médecins et scientifiques partent du postulat que les guérisseurs auraient en réalité une authentique capacité à déclencher chez le malade un mécanisme d’effet placebo, alimenté par les croyances de leurs patients. En effet, pour de nombreux savants qui ont tenté d’étudier ces phénomènes, il ressort que « se convaincre que l’on peut guérir » demeure un aspect important du soin. Nous pouvons ainsi supposer que respecter le patient dans sa conception du monde pourrait donc, dans certains cas, lui rendre service.
Cependant, loin d’accepter cette explication somme toute assez plausible, un nombre considérable de « guérisseurs » prétendent encore qu’il existe un magnétisme animal « thérapeutique », tel que théorisé à la fin du Siècle des Lumières par Franz Anton Mesmer (voir l’annexe Enrichissons nos connaissances, en fin d’article), ou que nous serions tous traversés par des « énergies de guérison », des « fluides » capables de soigner ou de guérir — parfois à distance. Mais cette croyance, plus qu’une simple hypothèse, est malheureusement souvent destinée à tromper les crédules. En effet, le magnétisme tel qu’il est souvent présenté par les tenants de cette superstition New Age n’a jamais été prouvé, malgré des siècles de recherche à son sujet… Car les conflits opposant médecins et guérisseurs ne datent pas d’hier. Depuis l’Antiquité les défenseurs de croyances ésotériques se sont toujours opposés, parfois farouchement, à la science, objective, testable, sceptique et réfutable.
2e hypothèse : le lien thérapeutique
Une seconde hypothèse qui permettrait d’expliquer la raison des « bienfaits » prodigués par les « guérisseurs » se trouve peut-être dans la relation entre le patient et le praticien. Dans une institution médicale où les malades ont parfois l’impression de se retrouver seuls face à leur douleur, le fait de se sentir accompagné et écouté dans une relation thérapeutique privilégiée expliquerait peut-être les effets observés. Car dans les services des grands brûlés, certains médecins (qui collaborent parfois avec ces « guérisseurs ») reconnaissent en général que cette pratique diminue très nettement la douleur, même si elle n’a pas d’effet notable sur la brûlure elle-même.
Cependant, si le fait est qu’aujourd’hui aucune étude sérieuse ne démontre ces prétendus effets, l’existence même de ces « fluides énergétiques » est fortement remise en question, car les appareils modernes ne les détectent pas. Or, les techniques actuelles sont beaucoup plus précises que celles disponibles il y a quelques décennies. En définitive, il n’existe aucun fondement scientifique permettant de conclure à l’efficacité du « magnétisme animal », encore moins en ce qui concerne la pratique de la « magnétothérapie » (voir explications en fin d’article).
En quoi les traitements alternatifs sont-ils un risque pour la santé ?
Toutefois, si l’on estime que 40 % des Français auraient recours à des traitements alternatifs, ce public est bien souvent en « situation de grande vulnérabilité, consultant dans une période de mal-être ou confronté à un problème que la médecine conventionnelle ne leur semble pas pouvoir résoudre », alerte la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Et nombreux sont les médecins qui estiment que ces concurrents aux « pouvoirs miraculeux » abusent une clientèle que la médecine traditionnelle ne parvient pas à soulager, voire qui rejette les soins par médication ou opération. Ils y voient un danger réel en terme de santé publique.
Ainsi que le rappelait Serge Blisko, ancien président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) de 2012 à 2018 : « Il ne s’agit pas de s’opposer à ce que chacun aille vers ce qui lui semble le mieux pour sa santé, mais de vérifier qu’il n’y a pas d’incompatibilité et de toxicité pour le traitement en cours. » D’où l’importance de considérer l’intention du « guérisseur », l’éventuel coût et la relation praticien / patient. Or le danger actuel de ces pseudo-médecines réside justement dans le risque que des patients vont parfois préférer un traitement farfelu, onéreux et sans effet au profit d’un soin efficace susceptible de leur sauver la vie, simlement parce qu’ils considère que la médecine ne les aide pas suffisamment ou parce que ces pratiques correspondent davantage à leurs idées reçues. Quid de l’engouement pour les pseudomédecines lorsque ces dernières peuvent devenir un risque pour la santé ?
Dérives sectaires et redéfinition des mots
Certaines dérives sectaires se sont fait une spécialité de redéfinir le sens des mots, infiltrant leurs concepts et leurs notions pour les pervertir et faire reconnaître par le public ces mots détournés. Puisqu’il est plus difficile de faire reconnaître des néologismes à leurs adeptes, les sectes préfèrent parasiter les mots connus et reconnus et en détournant le sens. Trois exemples parmi tant d’autres : « l’énergie », le « magnétisme » ou la physique « quantique ». « La confusion dans l’esprit du public non averti est entretenue par ceux qui détournent la terminologie scientifique et parlent de flux, de forces, d’ondes ou d’énergies afin de donner une caution à leur pratique » explique Théo Mathurin, doctorant en physique des matériaux et nanotechnologie à l’École Centrale de Lille.
Supposons qu’un guide spirituel souhaite édulcorer un discours pseudoscientifique afin de le faire accepter plus facilement par son audience, il empruntera aux connaissances scientifiques certains termes puis les transposera dans son propre champ de « compétences ». Cette pratique, qui s’apparente clairement à de la manipulation, n’est malheureusement pas exploitée que par les sectes…
Qui n’a jamais constaté à quel point les rayons des librairies mélangent sans cesse le magnétisme minéral (scientifique) et le magnétisme « animal » de Mesmer ? Mais le terme « énergie » reste sans nul doute le plus profané par les tutélaires des pseudosciences. Dans son Doctorat didactique des disciplines scientifiques, Richard Monvoisin l’appelle un « chewing-gum conceptuel », utilisé inlassablement pour expliquer tout « transport d’information immatériel présumé ». Un autre grand classique des notions pseudomédicales est « l’éther », une croyance pourtant enterrée depuis les expériences d’Albert Abraham Michelson (prix Nobel de physique en 1907) et d’Edward Morley, mais que l’on retrouve encore citée dans de nombreuses publications à caractère ésotérique et dans les discours parascientifiques.
Argumentum ad veterum
Bon nombre de pseudosciences et pseudomédecines reposent en partie sur la redécouverte d’une sagesse ancienne de l’antiquité (égyptienne, druidique, celte, tibétaine, aborigène, maya, indienne, chinoise, japonaise, etc.). Or nous ne devrions jamais confondre « l’épreuve du temps » avec « l’épreuve des faits », cette dernière durant plus longtemps. En théorie, l’ancienneté d’une croyance ou d’une médecine présentée comme un art traditionnel ancien ne devrait permettre à quiconque de la valider. Cette idée selon laquelle une assertion ancienne étaye sa véracité est un sophisme, puisqu’il est avéré que de nombreuses théories anciennes se sont révélées fausses ! Malgré cela, cette croyance est pourtant bien ancrée dans la pensée New Age et dans l’esprit de ses adeptes. Pourtant, c’est non seulement oublier bien vite tous les bonimenteurs qui ont proféré des sottises, lesquels furent bien plus nombreux que les « sages », mais c’est aussi faire abstraction du fait que les idées ayant fait leur chemin jusqu’à nous étaient parfois fortement rejetées par ceux qui en furent les premiers destinataires — Nous sous-entendons par là que la plupart des gens choisissent généralement l’argument qui les arrange en fonction de la thèse qu’ils souhaitent défendre.
Cette idée est en réalité le produit d’un sophisme bien connu que l’on appelle « argument d’historicité » (argumentum ad veterum). C’est-à-dire le fait de trier statistiquement des faits qui vont dans le sens de ce que l’on veut étayer. Il suffit alors de citer quelques-unes de ces « anciennes » croyances et d’avancer qu’il est peu vraisemblable que l’on se soit trompé si longtemps sans s’en apercevoir, pour poser un argument, aussi fallacieux soit-il.
Une notion intuitive peut se révéler fausse
C’est en étudiant l’histoire des sciences, l’évolution de la connaissance scientifique, que l’on comprend mieux la raison pour laquelle, lorsque la vie nous confronte à un phénomène que nous ne parvenons pas à expliquer, l’interprétation intuitive prend le pas sur le raisonnement logique. En dépit de son aura de mystère, le champ magnétique est une grandeur physique parfaitement comprise, que l’on sait créer et mesurer depuis bien longtemps. Là où le magnétisme tel qu’enseigné à l’école peut donc être prédit (mais d’une manière et avec une formulation complexe), le magnétisme animal « thérapeutique » est quant à lui réellement faux, mais beaucoup plus intuitif. Rien d’étonnant donc à ce que ces deux notions contradictoires coexistent encore, chez de nombreux patients et « magnétiseurs » d’une part, mais aussi… chez certains scientifiques !
Primo, nous avons tous tendance à surestimer nos capacités cognitives, et c’est d’autant plus vrai lorsque nous ne parvenons pas à saisir les tenants et les aboutissants d’une chose dont nous sommes témoins. Secundo, l’hypothèse du magnétisme ou de l’énergie est très en vogue dans toutes les interprétations de guérisons pseudo-naturelles, mélangeant à tort les principes de force et de champ, les notions de puissance et d’énergie et les concepts de quantique en un désordre incompréhensible, mais fort opportun lorsqu’il est question de dire tout et n’importe quoi. Toutefois, aucun phénomène magnétique dit « animal » et encore moins « thérapeutique » n’a jamais été mis en évidence dans les procédés de soin des guérisseurs et des médiums.
Aujourd’hui, le regard des médecins se fait plus distant et circonstancié sur le sujet des « guérisseurs », depuis que s’impose une médecine moderne, rationnelle et surtout de plus en plus efficace. Toutes les expériences ayant tenté d’habiliter ces thèses furent un désastre, et les protocoles de tests rigoureux en double aveugle ne firent qu’infirmer les théories du magnétisme et des magnétiseurs (voir à ce propos les expériences menées en 2004 et 2012 par l’Observatoire Zététique, en fin d’article).
La science peut-elle tout expliquer ?
Effectivement, si on considère que les requêtes effectuées sur Internet reflètent l’image que le public se fait du concept de « magnétisme », il semble bel et bien que la physique soit dangereusement rivalisée par ce que l’on appelle la pseudoscience.

Requête Google pour le mot-clé « magnétisme » (capture d’écran du 05/11/2022).
Avant de conclure, essayons de donner la réplique à cette éternelle question des idolâtres des parasciences : peut-on penser que des choses qui nous apparaissent aujourd’hui comme invraisemblables — la transmission de pensée, la voyance, les fluides, les énergies, les guérisons par le magnétisme, etc. — trouveront-elles demain une explication logique ? N’en déplaise aux sympathisants de ces théories, la réponse réside à n’en pas douter dans ce petit mot de trois lettres : « non ! » Pourquoi une telle affirmation ? Tout simplement parce que la conséquence de ces croyances irrationnelles nous entraîne, inexorablement, vers une régression intellectuelle obscurantiste, au sens d’opposition à la diffusion des connaissances et au remplacement de connaissances solides contre des connaissances moins « plausibles ».
La crise sanitaire en fut le meilleur exemple, où l’on a vu pendant et après la pandémie l’apparition jusqu’à la pléthore de pseudosciences et de pseudo-médecines que l’on croyait oubliées à jamais revenir au goût du jour, dans des incarnations toujours plus nombreuses de notions fluidiques, ectoplasmiques ou de thérapies fantasmagoriques, pour le plus grand bonheur de « thérapeutes » et charlatans de tous les horizons. Lesquels affirmèrent — et affirment encore — d’un chœur unanime que ce « besoin d’irrationnel » est en vérité quelque chose d’universel.
Que l’être humain ait un goût archaïque intuitif pour les pensées magiques est un fait, mais faire croire que cet appétit pour le magique est un constituant de notre espèce, c’est nier de fait toutes les entreprises humaines menées depuis des siècles pour dépasser notre condition bestiale et nous sortir du romantisme, au sens de cet effort qu’avaient nos ancêtres pour concilier dans un même discours, « savoirs » scientifiques et « croyances » mystiques en une « espèce de gymnastique du monde fantastique et du monde réel » — pour paraphraser Juliette Drouet écrivant à Victor Hugo, un auteur certes admirable, mais qui défendait aussi l’existence du « magnétisme », des « tables tournantes » et du « surnaturel »…
Magnétisme, freudisme et complotisme
Cette association peut surprendre, mais elle mérite d’être évoquée tant il apparaît, dans les ouvrages consacrés au père de la psychanalyse, que celui-ci a dérivé du « magnétisme animal » de Mesmer et entretient avec lui des rapports nombreux : la question du fluide, qui deviendra chez Freud la « libido » ; la relation entre le psychanalyste et le patient qui s’inspire directement du lien établi par le magnétiseur avec son malade (on guérit par la persuasion, la volonté, voire l’imagination) ; l’intuition de l’inconscient ; l’ambition de Mesmer de créer une société avec des membres « autorisés » par lui à diffuser sa découverte et à soigner selon ses préceptes, etc.
Avec le freudisme nous sommes — comme avec le magnétisme ou, plus récemment, le complotisme — en présence d’une « réalité parallèle », c’est-à-dire de discours qui tiennent autant, sinon plus, de la croyance que du savoir et qui n’offrent pas, de ce fait, les caractères de la « réfutabilité » d’une véritable recherche scientifique. Les croyances en des « énergies universelles », en des théories complotistes comme en la psychanalyse apparaissent ainsi, en quelque sorte, comme des avatars contemporains du romantisme.
Un certain goût pour le mystère et l’obscurantisme
Sociologiquement parlant, il est donc très intéressant de comprendre l’analogie qui peut être faite entre le mesmérisme d’hier et les croyances New Age d’aujourd’hui. D’un côté, le « magnétisme animal » de Mesmer avait enflammé l’imagination de certains radicaux du XIXe siècle, devenant un des symboles de la Révolution à travers des personnalités comme Marat et Lafayette, fervents soutiens de Mesmer. De l’autre, on retrouve cette notion de « force magnétique », à la source de « l’Harmonie universelle » prônée par de nombreux courants de pensée complotistes, lesquels s’incarnent dans les réseaux antivax, conspirationnistes ou politiques (souvent d’extrême droite).
Finalement, le risque majeur inhérent à cette fascination pour des croyances délirantes est la naissance et la diffusion de narrations toxiques, lesquelles peuvent devenir un grave péril pour les individus qui y adhèrent et pour nos sociétés en général. Car il y a quelque chose de « monstrueux » dans ces croyances, en cela qu’elles sont énormes, protéiformes et qu’elles s’attaquent à la connaissance, à nos savoirs acquis depuis des siècles.
Pour finir, nous clôturons cette réflexion par un parallèle avec notre intuition première du fanatisme mystique. Car nous sommes convaincus que si la recherche scientifique est un jour remplacée par des actes de foi — et par des méthodes d’élaborations pseudoscientifiques des connaissances — il est fort à parier que nous recommencerons dès lors à faire rôtir des Galilée ou des Michel Servet sur les places publiques…
Enrichissons nos connaissances :
Argument d’historicité
Pour approfondir ce concept, nous vous recommandons la lecture de ce billet publié par le Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique et sciences (CORTECS), une association loi de 1901 fondée en 2013 entre Grenoble, Montpellier et Marseille. L’objectif de CORTECS est la transmission des divers aspects de l’esprit critique, par le biais notamment d’enseignements, de travaux de recherche et d’élaboration de ressources pédagogiques. Le collectif procède à la mise en réseau des professionnels de l’esprit critique.
L’expérience de Michelson et Morley
L’expérience de Michelson et Morley (du nom des deux physiciens qui l’ont réalisée) est en réalité une série d’expériences conduites entre 1881 et 1887 par par Albert Abraham Michelson et Edward Morley. Leur objectif était de tenter de démontrer l’existence de l’ « éther », au sens d’une substance distincte de la matière et permettant de fournir ou transmettre des effets entre les corps. L’interprétation des résultats de ces expériences ont permis aux physiciens de démontrer que l’ « éther » n’existe pas. Bien qu’elle aboutisse toujours au même résultat, cette expérimentation est régulièrement refaite à chaque fois qu’un progrès technique permet de gagner en précision. C’est dans l’histoire de la physique une des plus importantes et une des plus célèbres expériences. Elle valut à Michelson le prix Nobel de physique en 1907.
Magnétothérapie
La magnétothérapie ou thérapie par les aimants est une pseudo-médecine, dont les praticiens affirment pouvoir soigner diverses maladies en utilisant le phénomène physique des aimants. Bien que de nombreux sites spécialisés en « médecine alternative » en vantent les supposés bienfaits (Passeport Santé, par exemple), ou que des praticiens persistent à faire croire à leurs patients que les soins prodigués par les aimants sont efficaces, la magnétothérapie ou les supposés effets antalgiques des aimants à usage thérapeutique n’ont jamais prouvé leurs effets sur la santé des malades. Selon les acteurs de cette pratique, le magnétisme que les aimants génèrent agirait sur le champ magnétique du corps humain. Les aimants seraient ainsi capables de canaliser l’énergie pour relâcher (ou contracter) les nerfs des muscles. Une assertion factuellement fausse qui n’a jamais pu être prouvée malgré la précision notoire des matériels de détection dont disposent aujourd’hui les scientifiques.
Mesmer et le « magnétisme » (mesmérisme)
Franz Anton Mesmer, médecin Allemand, introduit l’idée de « magnétisme » en France à la fin du XVIIIe siècle. S’étant de prime abord fait connaître en 1766 à Vienne, par une thèse en latin, De l’influence des planètes sur le corps humain, dans laquelle il soutenait l’existence d’un éther, un fluide répandu dans l’univers qui exercerait une influence mutuelle entre les corps célestes, la terre et les corps vivants. À la façon du médecin suisse Paracelse, de Marsile Ficin, Roger Bacon ou Pietro Pomponazzi, Mesmer présentait la santé comme un état d’harmonie entre le microcosme individuel et le macrocosme céleste, qui contiendrait des fluides, des aimants et des influences occultes de toutes sortes. Ayant expérimenté — selon des protocoles peu rigoureux — des traitements médicaux en appliquant des aimants sur les parties du corps des malades, il comprit bientôt que la seule application de ses mains produisait le même effet. Il affirma alors l’existence d’un magnétisme propre aux êtres vivants, qu’il nomma « magnétisme animal » pour le distinguer de l’aimant minéral. Déclarant avoir trouvé le secret de concentrer en lui-même ce fluide et de le diriger par la main ou par le regard, pour en compenser le défaut dans le corps des malades et restaurer leur santé, il prétendit pouvoir guérir ainsi toutes les affections, car elles résultaient selon lui d’une cause unique : le blocage de la libre circulation des « énergies » dans l’organisme. Mesmer estimait détenir une méthode salutaire pour l’humanité entière, une médecine capable — excusez-nous du peu — de remplacer toutes les autres ! Bien qu’étant un esprit brillant au fort charisme, il était aussi connu pour son goût immodéré pour l’argent, le faste et un art certain dans la manipulation. Et s’il est indéniable que les travaux de Mesmer eurent un fort impact dans l’évolution de la médecine psychiatrique ou de la psychologie, les nombreuses recherches scientifiques de l’époque et des suivantes ne purent jamais prouver l’existence d’un éventuel « magnétisme » thérapeutique, lequel est unanimement considéré aujourd’hui comme un phénomène pseudo-scientifique de la société post-Lumières.
En nous plongeant dans la lecture du Journal du Magnétisme de Pierre-Louis Gratiolet (1845), fervent défenseur de cette doctrine et pourfendeur de la Faculté des Sciences de son temps — qu’il qualifiait d’ « École de la niaiserie » —, on découvre avec stupeur les mentions de diverses médecines étranges, mais jugées autant efficaces par l’auteur que le supposé magnétisme de son mentor. Ainsi selon Gratiolet, « le tabac exerce une action analogue à l’opium, aussi les fumeurs s’accordent-ils tous à dire qu’il leur fait naître des idées. […] La digitale agit comme les aphrodisiaques. […] Le chanvre enfante une gaîté intarissable, l’ammoniaque et ses préparations, le musc, le castoréum [une sécrétion huileuse et odorante produite par des glandes spécifiques par les deux espèces existantes du genre castor – NDLA], les alcools, l’éther sulfurique, développent l’imagination et facilitent l’exercice de la méditation. […] L’or et ses préparations engendrent la gaité. […] Le chlorhydrate de morphine a encore la vertu d’exciter prodigieusement la loquacité. » Aussi va-t-il jusqu’à préconiser quelques doses d’opiacées « à tous ceux qui ont à parler devant un auditoire nombreux ». Quelques exemples parmi tant d’autres, mais qui en disent long sur les promoteurs originels du « magnétisme » ou des « fluides énergétiques » et sur leurs extravagantes croyances. Ainsi que nous l’expliquons dans le premier paragraphe, « l’argument d’authenticité » résiste rarement à une analyse factuelle et objective.
Michel Servet
Médecin de génie du XVIe siècle, zététicien. Il est le premier à évoquer l’existence de la circulation sanguine. Protestant doué d’un fort esprit critique et fortement attaché à la liberté de conscience, il remit en question de nombreux dogmes catholiques, allant jusqu’à nier publiquement l’existence divine du Christ. L’époque ne se prêtant guère à la tolérance et à la libre discussion, tant du côté protestant que du côté catholique, il fut condamné au bûcher le 27 octobre 1553 à Champel (près de Genève) par l’Inquisition.
Protocole-test du Magnétiseur
En 2004 et en 2012, l’Observatoire zététique a mis en œuvre des protocoles expérimentaux destinés à tester les capacités de plusieurs magnétiseurs volontaires. Ces derniers devaient détecter la présence, derrière un paravent, d’une personne, choisie par eux, qu’ils avaient examinée au préalable et dont ils prétendaient pouvoir percevoir un « signal magnétique ». Ces expériences furent un échec. Pour approfondir, retrouvez le protocole expérimental « Test du Magnétiseur » en double aveugle réalisé par l’Observatoire Zététique.
Que dit la législation française ?
En France, le « magnétisme animal » n’est pas reconnu par l’Académie de médecine depuis 1784 et les médecins n’ont donc pas le droit d’envoyer leurs patients vers un magnétiseur, selon l’article R. 4127-39 du Code de la santé publique. Néanmoins, sans remettre en question les traitements éprouvés, de rares hôpitaux font encore discrètement appel aux « coupeurs de feu » pour soulager les douleurs des brûlures occasionnées par un accident ou lors de traitements du cancer par radiothérapie. Toutefois, la plupart des praticiens recommandent à leurs patients de demander conseil à leur médecin traitant avant de se tourner vers ce genre de pratiques.