Après plusieurs mois de négociations, un accord sur une nouvelle législation permettant de mieux lutter contre les dérives du Web a été trouvé, samedi 23 avril 2022, entre les institutions de l’UE. Il s’agit du Digital Services Act, ou DSA. Ce dernier imposera aux grandes plateformes numériques de mieux réguler les contenus illicites et dangereux en ligne, comme les discours de haine, la désinformation ou la contrefaçon. Ainsi, l’objectif du DSA est de mettre fin aux dérives sur Internet et les réseaux sociaux. On se souviendra de l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty en France, en octobre 2020 ou de l’assaut de manifestants sur le Capitole aux États-Unis, en janvier 2021, deux tragédies en partie planifiées grâce à Facebook et Twitter.
Ce qui est illégal hors ligne doit être illégal en ligne
« Cet accord est historique, s’est aussitôt félicitée la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Nos nouvelles règles vont protéger les utilisateurs en ligne, assurer la liberté d’expression et des opportunités pour les entreprises. » « Le DSA est une première mondiale en matière de régulation du numérique », a précisé le Conseil de l’Union européenne, qui représente les 27 États membres, dans un communiqué.
Champ d’application pour les « très grandes plates-formes »
Au cœur de ce projet, des obligations imposées aux « très grandes plates-formes », celles comptant « plus de 45 millions d’utilisateurs actifs » dans l’Union Européenne, soit l’équivalent d’une vingtaine d’entreprises, dont la liste reste encore à déterminer précisément mais qui incluront les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), ainsi que Twitter, et probablement TikTok, Zalando ou Booking.
Un outil contre la désinformation en ligne
La version finale de ce projet ambitieux devrait entrer en vigueur dès 2024. De la lutte contre la contrefaçon à la bataille contre les contenus haineux, le nombre de sujets concernés laisse entrevoir la dimension des avancées voulues par ce Digital Services Act en matière de régulation du Web. À l’heure de la guerre de l’information menée par la Russie depuis le début de son invasion en Ukraine, notons par ailleurs le déploiement d’outils de lutte contre la désinformation proposés par cette réforme européenne.
L’enjeu majeur du DSA : nos libertés
S’insérant dans la continuité de la directive sur le commerce en ligne des années 2000, le Parlement européen souhaite aller plus loin afin de mettre en place un cadre beaucoup plus contraignant à l’égard des GAFAM et des grands opérateurs d’Internet, accusés de profiter de la multitude de réglementations dans les États membres de l’UE pour nuire aux droits élémentaires des citoyens européens : atteinte à la vie privée, collecte illégale de données personnelles, harcèlement en ligne, atteintes aux droits de l’enfant, etc. Mais aussi menace sur la pluralité médiatique, la diversité culturelle ou encore la liberté d’expression.
Pilier d’une régulation inédite, nous nous félicitons des progrès en matière de législation sur les marchés numériques, en ce qui concerne la régulation des contenus sur Internet, lequel s’apparente aujourd’hui à une véritable jungle. Et si le Web évolue rapidement et de façon imprévisible, avec de nombreux moyens de contournement des réglementations, le DSA a le mérite de mettre fin à l’impunité des très grandes plateformes avec une obligation de résultat. Il va de soi cependant que le respect de ces règles dépendra des moyens de vérification et d’enquête attribués aux autorités nationales en charge de les faire appliquer.
Illustration : ©Marek Studziński, 8 mars 2022.