Les théories du complot se répandent dans le monde entier, causant des dommages importants. Ils forment l’épine dorsale de nombreux mouvements populistes et des éléments centraux des idéologies extrémistes violentes, servant souvent de points d’entrée aux processus de radicalisation.
La complexité des récits de la théorie du complot et les mécanismes psychologiques qui sous-tendent la croyance rendent leur remise en question très difficile. Des experts du monde entier qui étudient les théories du complot ont produit une solide base de connaissances sur les raisons pour lesquelles les gens y croient ainsi que sur les stratégies pour les prévenir et les contrer.
Quel rôle l’éducation peut-elle jouer dans la lutte contre les théories du complot ?
Pour répondre à cette question, l’UNESCO et le Congrès juif européen ont organisé un symposium international le 27 juin 2022, réunissant des universitaires, des décideurs politiques, la société civile et le secteur privé pour une action commune. Le symposium a été organisé en coopération avec la Commission européenne, le Social Decision-Making Lab de l’Université de Cambridge et la Fondation Alfred Landecker.
L’UNESCO a publié à cette occasion un guide pour les enseignants, intitulé Comment lutter contre les théories du complot : tout ce que les enseignants doivent savoir. Ce rapport est une introduction pour des éducateurs, travaillant dans et en dehors de l’enseignement formel, sur la manière d’identifier, de prévenir et de répondre aux théories du complot.
Une régulation nécessaire des plateformes numériques
Ce symposium a permit d’apporter des pistes de travail et de méthodes pour lutter contre les théories du complot par l’éducation. En effet quand il s’agit de théorie du complot il y a plusieurs erreurs que les chercheurs, les enseignants et les journalistes de doivent pas commettre. La première consiste à trouver ces théories amusantes alors qu’elles sont parfaitement absurdes. Il n’y a rien d’amusant dans les théories du complot. Celles-ci font des ravages, encouragent la haine et minent les démocraties. La seconde erreur serait de croire que l’engouement pour les théories conspirationnistes n’est pas si important que cela. Dans les faits, les théories de la conspiration, les mensonges et les désinformations sont souvent plus frappants voire plus engageants que la vérité et leur résonance est accrue avec l’expansion de l’internet, surtout grâce aux réseaux sociaux dont les modèles économiques permettent un engagement accru et quasi-instantané des utilisateurs. Sur Twitter par exemple, des études ont montré que les mensonges se propagent six fois plus vite que les vraies infos. Nous devons accepter qu’une régulation de ces plateformes est nécessaire.
L’UNESCO mène sur cette question des consultations mondiale pour proposer une réglementation plus intelligente, afin d’améliorer l’accès à des informations fiables, favoriser une plus grande transparence tout en préservant la liberté d’expression. Dans cet océan d’informations, de mésinformation et de désinformation, l’éducation favorise l’esprit critique et l’engagement civique. Car la lutte contre les théories du complot et les idéologies antisémites et xénophobes qu’elles véhiculent commence à l’école. Or, les enseignants, partout à travers le monde, ne reçoivent pas toujours l’information adéquate.
La liberté d’opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat.
Hannah Arendt
Un guide pédagogique pour lutter contre la désinformation
Jusqu’à présent, peu de ces connaissances se sont infiltrées dans les environnements éducatifs. Ce document est une première introduction pour les éducateurs, travaillant à l’intérieur et à l’extérieur de l’école formelle, sur la façon d’identifier, de prévenir et de traiter les théories du complot dans les milieux éducatifs. Il vise à fournir aux éducateurs des définitions clés et des connaissances essentielles, à saisir la complexité du phénomène et alerter les apprenants sur les principales caractéristiques et effets néfastes des théories du complot pour une première réponse immédiate. Pour soutenir les éducateurs dans cette entreprise, ce document décrit des stratégies pour empêcher la croyance dans les théories du complot ainsi que pour s’engager avec les apprenants qui y croient déjà.
Ce document s’appuie sur la campagne de médias sociaux #ThinkBeforeSharing de l’UNESCO, qui a été lancée conjointement en 2020 avec la Commission européenne en coopération avec Twitter et le Congrès juif mondial pour répondre à la propagation croissante des théories du complot pendant la pandémie de COVID-19. Visant à répondre aux besoins spécifiques des éducateurs, les supports de campagne ont été élargis et adaptés en étroite consultation avec des experts internationaux et des enseignants de neuf pays du monde.
L’éducation peut jouer un rôle crucial dans le développement de la résilience, des connaissances et des compétences analytiques nécessaires pour prévenir et résister aux récits conspirationnistes et à la désinformation.
À la manière de l’Unesco et comme indiqué dans notre Charte de déontologie, dans la Bibliothèque vigilante nous ne défendons pas seulement l’idée de la vérité, nous défendons aussi un débat démocratique sain, basé sur des informations factuelles.
Avec la participation de :
- Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO.
- Raya Kalenova, vice-présidente exécutive du Congrès juif européen.
- Andreas Eberhardt, directeur de la Fondation Alfred Landecker.
- Louise Haxthausen, directrice du bureau de liaison de l’UNESCO à Bruxelles.
- Tobias Ginsburg, journaliste, directeur de théâtre et auteur de Die letzten Männer des Westens (2021).
- Sander van der Linden, directeur du Social Decision-Making Lab de l’Université de Cambridge.
- Tristan Mendès-France, maître de conférences associé à l’Université de Paris, spécialisé dans les cultures numériques.
- Ilana Cicurel, députée européenne.
- Jurgis Vilcinskas, Chef de division adjoint Communications stratégiques et analyse de l’information, Service européen pour l’action extérieure.
- Nicola Beer, vice-présidente du Parlement européen.
- Miro Dittrich, chercheur au CeMAS.
- Julia Mozer, responsable EU Public Policy de Twitter.
- Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du Conspirationnisme.
- Priyank Mathur, directeur de Mythos Labs.
- Katharina von Schnurbein, coordinatrice de l’Union européenne en charge de la lutte contre l’antisémitisme.
Pour aller plus loin
Lutte contre la désinformation : l’Union européenne annonce de nouvelles obligations pour les plateformes numériques, Marie Jacquemard, Les Surligneurs (21 juin 2022).